Lorsque l’on parle de groupe de psychothérapie, l’esprit associe souvent cela à groupe de parole ou groupe des AA (Alcooliques Anonymes). Or, depuis la création des AA il y a près d’un siècle, le champ de la thérapie a su s’approprier le groupe comme un riche outil thérapeutique, que l’on soit alcoolique ou non !
Il existe de nombreuses façons de travailler en groupe. En effet, c’est une pratique assez jeune et ses vertus reconnues en ont permis un développement rapide dans le champ de la psychothérapie. Certains parlent d’ailleurs d’« accélérateur de thérapie ». On retrouve des groupes de psychothérapie en psychanalyse, en analyse transactionnelle, en gestalt, il existe aussi le psychodrame par exemple.
La taille du groupe varie en fonction du thérapeute et de la place disponible dans l’espace thérapeutique. Cependant, il est récurrent en analyse transactionnelle de trouver des groupes entre 6 et 10 clients. Ce groupe peut être animé par un thérapeute ou deux. Ici aussi, cela va dépendre du type de groupe à animer et le nombre de personnes présentes. Par exemple, au nombre de 18, il sera bien plus pertinent d’avoir deux thérapeutes présents dans l’espace.
Dans ma pratique de psychologue et psychopraticienne, la thérapie de groupe est un élément clé. En effet, en analyse transactionnelle, le groupe a autant sa place que le couple, ou la thérapie individuelle. Ce qui paraît d’ailleurs assez logique : c’est une théorie de la communication et l’analyse des transactions sera encore plus riche in vivo. En groupe, naturellement et assez rapidement se rejouent les problématiques personnelles de chacun. On va se sentir exclu, avoir des difficultés à prendre sa place, ou bien au contraire vouloir prendre toute la place et faire le plus de bruit possible. Je prends des situations extrêmes, mais qui sont assez récurrentes. Si l’on regarde de plus près, cette posture adoptée en séance semble bien connue de chacun. Elle ressemble étrangement à celle que l’on prenait enfant aux repas de famille, ou celle si inconfortable, retrouvée au quotidien au bureau…
Le fait de retrouver ces sensations bien désagréables pourraient être une bonne raison de ne pas vouloir intégrer un groupe de thérapie ! Mais je vais vous convaincre du contraire. En effet, comme énoncé précédemment, l’espace thérapeutique va permettre de ressentir ou reproduire de façon inconsciente des schémas bien connus. Cette libération facilitera la prise de conscience et la mise au travail. Pour moi, le groupe est un peu comme un petit laboratoire d’expériences où presque tout est possible du fait du cadre et des règles établies.
Pour être plus explicite, un groupe de thérapie, c’est quoi finalement ?
Dans mon cabinet, il s’agit d’un groupe, constitué de 6 ou 7 personnes avec qui j’ai déjà commencé un travail thérapeutique en individuel. En fonction d’un planning défini à l’avance, nous nous réunissons une à deux fois par mois et nous nous mettons au travail avec ce qui arrive dans l’ici et le maintenant le fameux hic et nunc. Autrement dit, dans un état de pleine conscience, chacun se met à l’écoute de ses pensées, ses émotions, ses ressentis puis les partage dans le groupe. Ceci peut prendre du temps, ou pas.
Voici un exemple :
Il est 19h16. Chacun est installé et a choisi le fauteuil, le petit canapé ou le grand canapé (dans mon cabinet, plusieurs types de sièges sont présents). Le groupe commence normalement à 19h15. C’est parti pour trois heures ensemble. Personne ne sait encore très bien ce qui va se passer mais tout le monde se connait maintenant. À force de se réunir toutes les deux semaines et de partager des choses personnelles certains liens se sont déjà formés.
J’arrive à mon fauteuil, toujours le même, et exprime dans mon attitude non verbale que la séance peut commencer. Un moment de silence s’installe mais rapidement la parole prend place.
Ingrid : Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir je me sens un peu stressée de venir. J’avais d’ailleurs oublié la séance, mais mon téléphone me l’a rappelée et depuis je sens le stress monter.
Stéphanie : Ah oui c’est drôle ! Moi pas du tout. Au contraire, j’étais contente de vous retrouver ce soir. Avec les vacances qui sont passées, j’avais l’impression qu’une éternité nous avait séparé.
Silence.
Le thérapeute : Ingrid, est-ce que tu veux nous parler un peu de ce stress ?
Ingrid : En fait, la dernière fois on a parlé de mon père et j’ai eu l’impression qu’on n’était pas allé jusqu’au bout. Et je crois que je n’ai pas envie d’en parler…
Voici 5 minutes d’un début de groupe qui vont ouvrir sur de nombreux potentiels de travail. Certains décideront de faire leur cheminement en silence, d’autres pourront ou se sentiront dans le besoin de le partager dans le groupe. Le processus est en place et continue son chemin.
Pour développer l’alliance de confiance permettant le travail thérapeutique, certaines règles sont essentielles :
- La règle de discrétion. Tout ce qui est dit dans le groupe reste dans le groupe. Peuvent être partagés des ressentis ou des vécus personnels, mais on ne parle pas des autres en dehors du groupe.
- La règle de non-passage à l’acte. On ne touche pas son voisin ou sa voisine sans lui demander au préalable. Parfois on peut avoir l’envie par compassion ou sympathie de prendre l’autre dans ses bras, de lui tenir la main. C’est tout à fait possible mais : on demande ! En revanche, même si on demande, on n’a pas le droit de se frapper ou d’avoir de relations sexuelles.
- La règle de sobriété. Chacun vient dans le groupe sans avoir bu ou fumé des substances qui altèrent la conscience.
Quels sont les intérêts du groupe de thérapie ?
En groupe, du fait d’être présent aux discours des autres, notre champ de conscience va s’élargir et permettre d’avoir accès à des zones encore non explorées. Aussi, ce format est propice à la régression et donc à l’affaiblissement de nos défenses psychiques. Ce qui est certes parfois assez bouleversant, mais bénéfique à l’avancée personnelle.
La force du groupe est aussi un contenant important. Chacun fait partie intégrante du groupe et participe à son bon fonctionnement. Le fait de ne plus être seul face à ses blocages ou ses peurs rassure et réconforte. C’est ici que l’on voit l’effet thérapeutique que le groupe prend à lui seul du fait d’exister. Autrement dit, le fait de prendre part à une aventure commune est en elle-même thérapeutique et permet d’aller plus loin dans une démarche d’avancée personnelle avec en renfort et en soutient : le groupe.
Références et bibliographie
- Raconte-moi ton groupe, Actualités en analyse transactionnelle 2015/3 (n° 151)
- Edmond Marc, Christine Bonnal, Le groupe thérapeutique, Approche intégrative, 2014.
- Irvin D. Yalom, La méthode Schopenhauer, 2008
Comentarios