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Psychothérapie du changement ou Le paradoxe du Comte de Monte-Cristo


Adaptation de l’article de Jean Cottraux[1] : Changer tout en restant soi-même.

Il peut arriver soudainement dans une vie l’envie, le besoin de changer, de tout envoyer valser pour recommencer à zéro. Ceci représente parfois une quête de soi afin de se retrouver, de se reconnecter à sa propre identité. Mais par l’anxiété ou la déprime, l’action s’inhibe et semble trop complexe, voire impossible.

Il est alors utile d’observer le passage de l’individu par différentes étapes venant accompagner le changement et l’acceptation (dans son sens global).

Le changement

Voici les dix phases du processus de changement d’Arthur Freeman et Michael Nolan :

  • Anti-contemplation : le sujet est contre l’idée même de psychothérapie

  • Non-contemplation : il ne l’envisage pas comme une solution pour lui.

  • Pré-contemplation : il considère les raisons, la possibilité et les conséquences de la psychothérapie, et les changements qu’elle peut induire. À ce stade, les processus de changement résultent de motivations externes : symptômes d’anxiété, de dépression, de stress, etc., phases de la vie, risque de perdre son statut social.

  • Contemplation : il envisage une thérapie dans les six mois car des changements sont nécessaires. Il admet qu’il a un problème et qu’il va étudier les possibilités et le coût (psychologique et financier) du changement. Il se prépare. Les processus de changement à ce stade sont l’observation d’autrui, la recherche d’information, la prise de conscience, la confrontation par les autres à son problème.

  • Planification de l’action : décision de rendez-vous avec un thérapeute.

  • Action : entrée en psychothérapie, travail sur soi, modification progressive des comportements, des émotions et des attitudes dysfonctionnelles.

  • Maintenance : maintien et optimisation du changement.

  • Pré-défaillance : apparaissent des pensées négatives vis-à-vis de la psychothérapie et la nostalgie des vieux comportements.

  • Défaillance : diminution des acquis.

  • Rechute : retour à l’état initial et sortie du cycle du changement. À ce point, le patient arrête la thérapie. Cependant, il a la possibilité de revenir dans le cycle comme pré-contemplateur et de refaire plus ou moins vite le parcours vers l’action psychothérapique.

L’acceptation

L'acceptation est l'un des thèmes les plus constants de la philosophie, de la religion et de la psychothérapie. La thérapie cognitive par l’acceptation consiste à aider le patient à distinguer les faits de leur interprétation pour modifier les émotions négatives et le relancer sur le chemin de l'action positive et agréable. Il est habituel de faire remonter ce type de thérapie à la morale stoïcienne, celle de l'esclave Épictète et de l'empereur romain Marc Aurèle (121-180).

Cet empereur philosophe professait que les hommes sont moins émus par les faits eux-mêmes que par l'interprétation qu'ils en donnent.

Une des maximes stoïciennes issues de son livre Pensées pour moi­même nous dit :

«Si quelque objet extérieur te chagrine, ce n'est pas lui, c'est le jugement que tu portes sur lui qui te trouble. Il ne tient qu'à toi d'effacer ce jugement de ton âme. Si c'est ta disposition propre qui te chagrine, qui t'empêche de rectifier ton dessein ?»

Externaliser la responsabilité personnelle dans ce qui va mal ou bien, et l'évaluer correctement, est l'une des pratiques habituelles de la thérapie cognitive de la dépression.

Voici les sept types d’acception à travailler en thérapie :

1. L'acceptation de soi augmente l'estime pour soi : c'est l'un des objectifs de la psychothérapie. Néanmoins, le thérapeute doit accepter le patient tel qu'il est, afin que celui-ci s'accepte lui-même. Il en va de même dans toute relation d'amitié, d'amour ou dans un contexte professionnel. Il s'agit donc d'une acceptation en miroir.

2. L'acceptation de nos limites conduit à n'engager des actions que dans des domaines qui dépendent de nous. Mais comment savoir exactement ce qui dépend de nous ? Seule une bonne analyse de la situation sur le terrain permet de le faire pour déterminer si une bataille peut être gagnée. Il s'agit donc d'une acceptation stratégique.

3. L'acceptation de nos émotions consiste à les vivre au lieu de les nier et de vouloir les contrôler à tout prix. L'acceptation des émotions négatives est l'une des bases des méthodes d'exposition employées par les thérapies comportementales et cognitives (TCC) dans les phobies, dans les obsessions compulsions et dans le stress post-traumatique. Dans cette méthode, le sujet doit accepter de passer par une phase d'exacerbation de l'anxiété, qui, après un plateau d'habituation, va décroître et se stabiliser plus bas. Le paradoxe inhérent à la TCC est qu'il faut accepter de souffrir afin d'espérer guérir un jour de ses souffrances. Il s'agit donc d'une acceptation par exposition au mal-être temporaire en vue d'un mieux-être ultérieur.

4. L'acceptation des autres permet de mieux vivre avec eux. En particulier, comme le recommandent à la fois le bouddhisme et le christianisme, il est bon d'avoir de l'empathie pour ses ennemis, car la haine nous fera encore plus souffrir que le dommage causé par l'ennemi. C'est donc l'acceptation par le pardon.

5. L'acceptation du monde tel qu'il est. Mais qu'est-ce que le monde ? Il est parfois sain de vouloir le changer malgré des forces contraires. Machiavel, dans Le Prince en 1532, a repris la distinction latine entre la vertu et la fortune. La fortune est ce qui nous arrive de bien ou de mal sans l'avoir voulu. L'accepter est la première phase avant une deuxième phase qui consiste à rebondir. La vertu latine dont parle Machiavel s'appelle le courage ; c'est l'attitude positive devant la mauvaise fortune : «Je juge qu'il peut être vrai que la fortuna soit l'arbitre de la moitié de nos actions, mais aussi que l'autre moitié, ou à peu près, elle nous la laisse gouverner.» En ce sens, le machiavélisme, dans son éloge de la «vertu», représente une forme de psychologie positive. L'acceptation momentanée est souvent utilisée dans les techniques de résolution de problèmes. Accepter un échec ou un traumatisme ainsi que la dangerosité du monde permet de mieux rebondir et de le changer. C'est donc l'acceptation résiliente.

6. L'acceptation de la condition humaine. Elle consiste à vivre en se disant qu'à tout moment la vie peut s'arrêter, sans que ce que nous avions commencé puisse aboutir sous nos yeux. C'est donc l'acceptation de l'angoisse existentielle.

7. L'acceptation de la mort. Elle consiste à n'envisager la mort que comme un passage et à considérer qu'elle seule a pitié de la souffrance humaine. C'est donc l'acceptation compassionnelle de ce que de toute manière, un jour, nous ne pourrons pas fuir.

L'absence d'acceptation représente un déni qui peut se porter aussi bien sur notre monde interne que sur les contingences de l'environnement et les contraintes biologiques qui nous contrôlent. La définition, en psychothérapie, d'un domaine d'acceptation sur lequel un travail personnel est nécessaire, réoriente le sujet vers une attitude positive, et remplace l'auto critique interminable et sa compensation par le fantasme de Monte-Cristo. Après tout, nous n'avons pas à accepter n'importe quoi, mais le refus d'acceptation de ce que nous sommes peut nous rendre inacceptable par les autres.

Action et efficacité

Nous conclurons sur les 10 facteurs communs des psychothérapies efficaces :

  • La thérapie comporte un manuel pour le patient et un autre pour le thérapeute.

  • La psychothérapie suscite des espoirs de changement.

  • Une alliance thérapeutique positive se noue entre le patient et le thérapeute.

  • La psychothérapie commence par une psychoéducation qui explique au patient son trouble.

  • Le rôle des expériences précoces dans le façonnement des problèmes actuels est reconnu.

  • Les systèmes de croyances erronées sont modifiés progressivement.

  • Le psychothérapeute propose un affrontement progressif du malaise en favorisant l'acceptation des émotions positives ou négatives.

  • Il y a une mise en place des stratégies de résolution de problème qui permettent au patient de mieux prendre des décisions.

  • Des plans d'action sont organisés en accord avec le patient.

  • Le but ultime est de changer la vie du patient en fonction de ses valeurs personnelles.

[1] Psychiatre honoraire des hôpitaux, membre fondateur de l'Académie de thérapie cognitive (Philadelphie) et directeur scientifique de l'Institut francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive (Ifforthecc).

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